Attrapez vos valises et rangez vos oreillers de cou : le train à grande vitesse veut bousculer vos habitudes de voyage et même détrôner l’avion pour sillonner l’Europe. De nouvelles lignes, des concurrents en nombre… On fait le point sur ce qui s’annonce comme la grande révolution ferroviaire – experts à l’appui et tickets compostés !
L’Europe rêve grand (très grand) sur les rails
Imaginez-vous un Paris-Berlin en train électrique, trente fois moins coupable d’un point de vue CO2 qu’un vol aérien ? Ou encore, relier Helsinki à Berlin en cinq heures, traverser l’Europe de Lyon à Athènes sans le moindre changement, ou filer sous la Manche pour rejoindre Londres avant que vous ayez fini vos sudoku ? Ces promesses, c’est ce que la grande vitesse fait miroiter à toute une génération d’Européens désireuse de voyager autrement.
Le récent projet Starline, sur Internet, proposait de relier 39 destinations majeures du continent via un réseau de 22 000 kilomètres, comme un métro XXL doté de cinq lignes colorées, avec trains allant jusqu’à 400 km/h. Hélas, ce concept n’est encore qu’une utopie du laboratoire d’idées 21st Europe. Mais il prouve une chose : toute l’Europe a la fièvre du rail.
Des chantiers, des chiffres et la chasse au CO2
Si ce rêve n’est pas (encore) la réalité, il s’appuie sur des bases solides :
- La Commission européenne veut doubler le nombre de passagers à grande vitesse pour 2030, tripler d’ici 2050.
- Le secteur bénéficie d’un effet « bonus écolo » : un Paris-Berlin en train émet cent fois moins de CO2 par passager que le même trajet en avion.
- La France vient tout juste d’interdire certains vols intérieurs quand une liaison ferroviaire sous 2h30 existe (bye bye Orly-Bordeaux, Lyon, Nantes en avion !).
- Depuis 2013, 47 % de kilomètres supplémentaires pour la grande vitesse dans l’UE : on atteint 8 556 kilomètres, avec des milliers en chantier.
- Objectif à terme ? Entre 45 000 et 50 000 kilomètres pour relier les capitales et grandes villes d’ici 2050, selon Alberto Mazzola, directeur exécutif de la Communauté européenne du rail.
Ce sont surtout les voisins d’Europe centrale et orientale qui sont sur le pont. Six nouvelles lignes sont prévues en République tchèque, la Pologne prépare 2 000 kilomètres de nouvelles voies, le tout connecté à Rail Baltica, une ligne rapide traversant la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. Le Portugal finalise Lisbonne-Porto, qui poussera jusqu’à Vigo en Espagne d’ici 2032. Le Royaume-Uni, lui, bosse sur le fameux High Speed 2 pour Londres-Birmingham.
La concurrence monte à bord : billets moins chers à l’horizon ?
Ouverture des rails oblige, les opérateurs privés multiplient les allers-retours. En Espagne, c’est la guerre des prix entre Renfe, Ouigo Espana et Iryo sur Madrid-Barcelone (la compagnie aérienne Vueling ayant préféré fuir face à ce choc des titans). En France, la SNCF croise le fer avec Trenitalia et Renfe sur plusieurs axes, et prévoit l’arrivée prochaine de nouveaux acteurs tels que Proxima et Kevin Speed, promettant une concurrence décuplée d’ici 2030-2032.
- Sous la Manche, c’est le tunnel qui attise les convoitises. Eurostar en utilise à peine la moitié de ses capacités : Evolyn, Virgin, Trenitalia ou encore Gemini Trains lorgnent sur ce marché juteux, prêts à relier Londres à Cologne, Zurich, Bordeaux…
- Bilan ? D’où il y a plus de trains, il y a plus de sièges et (miracle !) les prix baissent pour les voyageurs. L’Espagne et l’Italie constatent déjà une hausse de 30 à 60 % du trafic et une chute de 10 à 20 % des tarifs.
Encore pas mal d’obstacles : le puzzle de la grande vitesse et les vrais défis
Avant de crier victoire, prenons un ticket retour sur terre. Si les lignes nationales se multiplient, les parcours transfrontaliers rapides sont encore rares. Aujourd’hui, un seul « triangle magique » permet de dépasser les 300 km/h de bout en bout : Paris-Londres-Amsterdam via Bruxelles. Les autres liaisons, comme le nouveau Paris-Berlin (8 heures), mélangent grande vitesse et portions classiques. L’argent reste un frein majeur : bâtir un kilomètre de LGV coûte 15 à 20 millions d’euros, et l’Europe jongle avec d’autres priorités budgétaires, notamment la défense.
Et il va falloir s’entendre sur les détails :
- 35 systèmes de signalisation différents cohabitent actuellement. Le déploiement du standard ERTMS devrait simplifier les choses, mais pas avant 2040-2050… soit la patience d’un chef de quai en grève !
- Un système unique d’achat de billets est attendu, objectif règlement avant fin 2025 : indispensable pour que chacun s’y retrouve entre deux opérateurs.
Côté innovations futuristes, l’Hyperloop (capsule supersonique dans un tube, testée sur 420 mètres aux Pays-Bas) est pour l’instant surtout champion des déconvenues, plombé par les coûts et un impact environnemental qui refroidit tout le monde. Autre ovni : le Maglev chinois, star des 460 km/h (voire 600 un jour). En Europe, le MagRail ambitionne 550 km/h, mais les experts restent sceptiques : au-delà de 360 km/h, l’appétit énergétique grimpe en flèche.
Et le train, même rapide, ne battra jamais l’avion sur les très longues distances du continent… Mais il a pour lui le plaisir du voyage, le confort et l’écologie.
En résumé : la grande vitesse européenne avance vite… mais pas (encore) aussi vite que ses trains rêvés. Gardez votre mallette à sandwichs prête et vos oreillers à portée de main : si les ambitions sont là, la révolution ferroviaire se joue maintenant sur les aiguillages du concret, du pragmatique… et de la patience !

Victor Beaumont est un grand passionné de voyages et de mobilité, avec une affection toute particulière pour les trains. Depuis son enfance, il aime observer les locomotives, découvrir de nouvelles lignes ferroviaires et s’intéresser aux innovations qui transforment nos déplacements. Pour Victor, le voyage ne se résume pas à la destination : c’est l’expérience du trajet qui compte. Dans ses articles, il partage cette passion en proposant des idées pour voyager malin, comparer les moyens de transport et redonner au train la place qu’il mérite dans notre quotidien.





