Vivre sans appartement ni routine, mais avec un billet de train illimité… À seulement 17 ans, Lasse Stolley a troqué la stabilité d’un toit contre celle, toute relative, des rails de la Deutsche Bahn. Son histoire, digne d’un road movie, mais version 22 wagons, raconte la vie du plus jeune nomade ferroviaire d’Allemagne.
Du certificat à la BahnCard : le déclic sur les rails
Lasse, mineur à l’allure fluette et au visage poupin, n’était ni globe-trotteur ni passionné de trains dans une vie antérieure. Avant août 2022, il n’avait même tenté l’expérience de l’ICE qu’à deux reprises. Mais l’été de ses 16 ans change la donne : une révélation surgit dans sa chambre, devant un documentaire YouTube – sa passion première. Diplôme en poche, l’idée prend forme : voyager à l’infini à travers l’Allemagne, muni d’une BahnCard 100, ce sésame qui offre une mobilité illimitée (en version luxe, tant qu’à faire : la première classe).
Convaincre ses parents, réticents à voir leur fils tourner la page du quotidien pour sillonner les rails, aura relevé de la ténacité adolescente. « J’ai été particulièrement insistant et la décision a été entérinée en deux jours », confie-t-il, amusé aujourd’hui. Sitôt les formalités pliées et le sac à dos de 36 litres ficelé, il quitte Fockbek, petite ville du nord, direction Munich le 8 août 2022. Premier trajet d’un périple qui n’aura pas fini de dérailler… dans le bon sens du terme.
Un quotidien calé sur les horaires (et les sièges inclinables)
Le « confort » d’un studio a vite été remplacé par celui, tout relatif, des sièges en cuir de la première classe. Les débuts n’ont pas été de tout repos : nuits avec vue sur les panneaux de signalisation, correspondances ratées, sommeil déréglé. Au point de songer à déposer le sac… Mais Lasse s’acclimate. Au fil des mille kilomètres quotidiens, la logistique s’affine, et la maison ambulante prend forme :
- Bagages réduits au minimum : ordinateur portable, quatre tee-shirts, deux pantalons, un pull, un coussin de voyage, trousse de toilette. Rien de trop.
- Pour manger ? Buffets gratuits dans les salons des grandes gares, en-cas à bord ou courses rapides au supermarché.
- Pour se laver ? Les piscines publiques, épicentre du rituel matinal et salle de bain improvisée.
- Pour dormir ? Les ICE de nuit, en croisant les doigts pour tomber sur des contrôleurs sympathiques (spoiler : c’est souvent le cas).
Sa seule bulle d’intimité : des écouteurs à réduction de bruit, alliés discrets dans cette vie sans murs.
Travail, rencontres et kilomètres avalés
Lasse n’est pas en vacances perpétuelles : il développe des applications pour une startup basée à Cologne. Même si son boss s’est interrogé sur la faisabilité du job en mode nomade, l’expérience s’est soldée par un succès – ni Wi-Fi ni chahut n’ont eu raison de la qualité de son travail, assure-t-il. Il va même jusqu’à créer des applis pour mieux organiser son nouveau quotidien.
Côté social, la solitude ne s’invite jamais vraiment dans les wagons. Chaque rencontre, hasard ou imprévu, devient une aventure. Une fois, le train s’arrête à l’aéroport de Düsseldorf, bloqué plusieurs heures : la conversation démarre avec d’autres passagers et se poursuit par une marche de deux heures jusqu’à la gare centrale. D’autres fois, ses détours le mènent loin : Istanbul en novembre, Narvik dans le cercle polaire en décembre. Amis et proches sont dispersés à travers l’Allemagne, mais Lasse leur rend visite sans difficulté. À l’occasion, il rejoint ses parents, au moins une fois par mois.
Liberté, chiffres et perspectives
À ses yeux, la vie sur rails, c’est la liberté incarnée : choisir, au gré de ses envies, la ville ou le paysage du lendemain. Randonner dans les Alpes, découvrir une grande métropole ou buller en bord de mer Baltique : tout est à portée de train (et sans supplément bagage). Il partage ses péripéties sur Instagram, grimpe le Zugspitze pour la beauté de la story, et dévore dizaines de vidéos YouTube entre deux paysages défilants.
Évidemment, ce mode de vie a son coût – et pas besoin de s’appeler Einstein pour s’en douter : la BahnCard 100 en première classe lui coûte déjà 5888 euros/an. Faut ajouter vêtements à renouveler (sacs usés par l’errance oblige), nourriture et à-côtés divers. À la louche : 10 000 euros/an, heureusement soutenu par ses parents. Mais Lasse en est sûr : le train, ce ne sera pas « pour toujours ». Il prévoit de continuer tant qu’il y prend plaisir.
Conclusion : Lasse Stolley incarne un choix de vie peu banal, où l’indépendance gagne sur la routine et où chaque jour commence avec la promesse d’un paysage différent. De quoi changer notre regard sur les horaires de train… et sur le confort apparent de l’ordinaire !

Victor Beaumont est un grand passionné de voyages et de mobilité, avec une affection toute particulière pour les trains. Depuis son enfance, il aime observer les locomotives, découvrir de nouvelles lignes ferroviaires et s’intéresser aux innovations qui transforment nos déplacements. Pour Victor, le voyage ne se résume pas à la destination : c’est l’expérience du trajet qui compte. Dans ses articles, il partage cette passion en proposant des idées pour voyager malin, comparer les moyens de transport et redonner au train la place qu’il mérite dans notre quotidien.





